Les représentations successives d’Alice au pays des merveilles (suite et fin)

 

Aperçu général de différentes éditions françaises

L’inventaire qui suit peut paraître un peu rébarbatif puisqu’il s’agit d’une suite de descriptions formelles de plusieurs éditions françaises d’Alice. Il apparaît néanmoins nécessaire, dans le cadre d’une étude d’un rapport aussi matériel que celui d’une image au texte qu’elle accompagne, de se pencher de manière ordonnée sur différents types d’édition dont l’œuvre de Carroll a pu être l’objet.

Parmi les 25 références dont j’ai pu établir la liste en 1996 1, nous pouvons distinguer 11 illustrées par Tenniel ou Carroll (les illustrateurs originaux), traitées séparément. En effet, ces ouvrages ne peuvent selon moi rentrer dans la même logique d’interprétation que ceux illustrés par des artistes non-influencés par la personnalité « physique » de Carroll.

Les éditions comportant des illustrations postérieures au texte

Les aventures d’Alice au pays des merveilles, Grasset, 1974 :
format : 290 x 257 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 95 pages
prix : 148 F
Cet ouvrage inclue la traduction d’Henri Parisot et les illustrations de Nicole Claveloux. Comptant au total 32 illustrations, il est remarquable à bien des égards : par exemple au niveau du rapport de la mise en page particulière (couleur sépia des caractères, titres posés verticalement, etc.) et des images.
Cette interprétation doit selon moi beaucoup à l’esprit des années 1970, tant par les techniques utilisées, expérimentales et libres, que par son attachement au domaine du rêve (proche d’une utopie qui caractérise cette période). Cette singularité me semble d’un grand intérêt, et je reviens plus longuement sur cet ouvrage dans une quatrième grande partie.

Alice au pays des merveilles, édition G.P., 1980 :
format : 270 x 213 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 123 pages
prix : non identifié
Cette édition comporte la traduction de R. et A. Prophétie, et des illustrations de Nicolas Guilbert. Celles-ci sont au nombre de 47 (dont 20 en hors-texte), toutes en couleur, et ont la particularité d’apporter une représentation assez fantaisiste des personnages de Carroll, notamment à l’aide des couleurs. Pour ce qui est de la représentation d’Alice, au contraire, elle est très réaliste, assez proches des photographies d’Alice Liddell que Carroll a pu réalisé. Du point de vue de la composition du texte et de la mise en pages, le corps assez gros des caractères peut favoriser la lecture des jeunes enfants, et les dimensions variées des illustrations (allant du simple carré de 5 cm de côté à la double page) les divertir.
Précisons que cet ouvrage est l’un des premiers livres en direction de la jeunesse réalisé par la maison d’édition, et qu’il présente l’un des premiers travaux de Nicolas Guilbert.

Alice au pays des merveilles, Dargaud / L’Archer Vert, 1983 :
format : 220 x 157 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 112 pages
prix : n’est plus édité
La particularité de ce livre est d’illustrer le texte de Lewis Carroll au moyen de bandes dessinées en noir et blanc. Ces bandes dessinées ont été réalisées par Michel Blanc-Dumont, dont les thèmes habituels sont plutôt orientés vers l’histoire de l’Ouest américain (comme la série de bandes dessinées Jonathan Cartland). Il est aussi l’auteur de nombreuses affiches, publicités et illustrations diverses. Il est légitime d’imaginer que cet version d’Alice au pays des merveilles est une commande des éditeurs en vue de l’élaboration d’une collection basée sur le même principe (« classiques de la littérature illustrée par une bande dessinée »). Nous pouvons remarquer que la couverture de l’ouvrage introduit cette singularité éditoriale, avec une portion de texte sur laquelle est disposée une image d’Alice (en couleur) et du lapin en second plan s’écriant dans un phylactère : « Racontez-nous ! ».
En ce qui concerne la mise en page du livre, le texte est disposé sur deux colonnes (ce qui permet aux illustrations une meilleure intégration dans la page).
Les illustrations en bandes dessinées correspondent en fait à certains passages du texte, ce qui ne permet pas de lire la partie « bande dessinée » uniquement : il est donc très difficile de lire à la fois la traduction de Carroll et le texte des illustrations. Cette disposition est donc assez inconfortable, et l’existence de ce livre ne semble répondre qu’à cette demande du public qui, au début des années 80, se passionne pour la bande dessinée. Il est possible que les éditeurs aient également considéré la bande dessinée comme un vecteur pédagogique possible.

Les aventures d’Alice au pays des merveilles, Albin Michel Jeunesse, 1984 :
format : 287 x 227 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 144 pages
prix : 140 F
Cette édition, qui fait appel à la traduction d’Henri Parisot et 22 illustrations de Justin Todd, se caractérise par une nette séparation du texte et des images : celles-ci s’inscrivent en effet toutes en hors-texte, toujours à droite (en Belle Page). Les marges qui encadrent l’empagement sont aussi très particulières, avec un blanc de tête assez large et un blanc de pied assez étroit mais comprenant pourtant le folio et le titre courant.
L’illustration de couverture (avec Alice tombant dans le terrier du lapin) est tirée du livre.

Alice au pays des merveilles (suivi de De l’autre côté du miroir (et ce qu’Alice y trouva)), Gründ, 1985 :
format : 287 x 215 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 231 pages
prix : non identifié
Ce livre, dont le texte est une traduction d’André Bay, est illustré par l’artiste slovaque Dusan Kállay. Ces 45 illustrations 2(dont 10 en hors-texte) sont toutes en couleur.

À propos de son illustrateur, il est né le 19 juin 1948 à Bratislava. Après des études à l’École des Arts Appliqués de cette ville de 1966 à 1972, il s’exerce à plusieurs techniques, tels que la gravure, la peinture, que ce soit pour l’illustration ou les dessins animés. Il reçoit bientôt plusieurs prix, suite à ses expositions en Tchécoslovaquie et à l’étranger, et fut même l’un des invités d’honneur du Salon du livre de jeunesse de Montreuil en 1991. Son œuvre peut rappeler Jérôme Bosch, Albrecht Dürer et Odile Redon ; le poète Dominique Grandmont l’évoque en ces termes : « Dusan Kalláy nous rappelle notre his-toire, la plus proche de la parole qui va surgir, mais aussi la plus ancienne, celle de l’enfance immémoriale et primitive où les forêts sont des gravures et les draperies des feuillages, les enluminures sont des mousses. » 3

Les aventures d’Alice au pays des merveilles in Tout Alice et la Chasse au Snark, Aubier, 1986 :
format : 297 x 210 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 338 pages
prix : 260 F
Ce livre comporte la traduction d’Henri Parisot et les illustrations de l’artiste anglais Ralph Steadman. Le regard acidulé que posent ces illustrations sur l’œuvre de Carroll me poussent là-encore à étudier plus profondément cette édition dans la quatrième partie de cette étude. Il s’agit, comme je m’en explique dans son introduction, de la comparer avec d’autres éditions faisant appel à des illustrateurs contemporains dont la vision du conte diffère.

Les aventures d’Alice au pays des merveilles, Kaléidoscope, 1989 :
format : 290 x 200 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 128 pages
prix : 140 F
Cette édition tient compte de la traduction d’Henri Parisot et des illustrations d’Anthony Browne. Ces illustrations, au nombre de 43 (dont 12 en hors-texte), en couleur, rappellent parfois Tenniel. La couverture du livre, comme celle de l’édition illustrée par Justin Todd, représente Alice tombant dans le terrier du lapin et est tirée du livre : cette image est sans doute volontairement placée sur la couverture puisqu’elle évoque le « passage » vers le pays des merveilles comme elle peut évoquer le « passage » vers le texte.
À propos d'Anthony Brwne, il s'agit d'un artiste anglais né le 11 septembre 1946 à Sheffield, ayant réalisé des études de graphisme au Leeds College of Art ; d’abord illustrateur médical, il crée plus tard des cartes de vœux puis des affiches, pour en venir ensuite à l’illustration de livres pour enfants. Jean Perrot dit de son interpréta-tion d’Alice au pays des merveilles qu’elle est « l’antithèse » de celle de Claveloux, opposant « à l’exubérance et aux frénésies de Nicole Claveloux (…) le glacé de ses images soignées, lisses et vernissées que dément la chaleur des couleurs toutes fondées sur le contraste chaud et froid. » 4

Alice au pays des merveilles, Rageot, 1991 :
format : 310 x 250 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 94 pages
prix : 120 F
Ce livre comprend la traduction de Jacques Papy et les illustrations d’Alain Gauthier. Il s’identifie avant tout par son grand format qui permet une impression d’espace et d’« aération » du texte à l’intérieur du livre. Cet effet est accentué par une mise en pages sur deux colonnes, ce qui a pour autre conséquence de permettre la présentation des dialogues à l’aide de tirets en début de ligne, sans perdre de place et sans créer de déséquilibres des blancs. En ce qui concerne les illustrations, elles sont au nombre de 22 (dont 18 en hors-texte, les 4 restantes ayant davantage la forme d’esquisses), toutes en couleurs. Ces peintures d’Alain Gauthier 5, dont les effets de transparence se marient avec des dégradés de couleur délicats, font appel à certaines références culturelles, comme des oreilles de Mickey sur des représentations de style Magritte ou de Vinci, qui prédestine ce livre à un public plutôt adulte ou adolescent.

Alice au pays des merveilles, Hemma, 1991 :
format : 290 x 230 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 91 pages
prix : 58 F
Cette édition, adaptée de l’anglais par Nathalie Brismée, comporte des illustrations de René Cloke, datées de 1944. À propos de ce livre, je me permettrai une courte parenthèse purement éditoriale : d’après Jean-Marie Bouvaist, les éditions Hemma se caractérisent notamment par leur utilisation d’un « marketing sommaire, mais efficace, (…) rapidement imposé en France - après la Hollande, l’Allemagne et l’Espagne - avec des séries à bas prix, vendues essentiellement dans les grandes surfaces. » 6 Il ajoute : « Utilisant toutes les ressources de « l’édition à répétition », réduisant à l’extrême les frais éditoriaux et commerciaux (pas d’offices, donc pas de retours ni de réassorts), Hemma montre l’exemple d’une production industrielle repoussant les limites du « fordisme culturel » 7. » Ainsi, à nombre de pages et à dimensions sensiblement identiques, l’édition Grasset illustrée par Claveloux affiche un prix 2,6 fois supérieur à celui de l’édition Hemma (illustrations couleur dans les deux ouvrages).

Alice racontée aux enfants, Gautier-Languereau, 1992 :
format : 321 x 260 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 77 pages
prix : non identifié
Comprenant la traduction d’Evelyne Lallemand et les illustrations de Marthe Seguin-Fontes, cette édition est adaptée de la version d’Alice que Carroll rédigea en 1890 sous le titre The Nursery Alice 8. Concernant la disposition du texte, elle est ici dépendante des images : les blocs de texte sont donc très mobiles et excluent une lecture trop monotone du livre.
À propos des illustrations, leur approche des personnages est très réaliste, très rationnelle, lardée de clichés (comme le château anglais à l’horizon lorsqu’Alice, très proche des « petites filles modèles » de la Comtesse de Ségur, se réveille). L’utilisation de l’aquarelle dans cet ouvrage permet un traitement pictural très doux, et évite toute agressivité.

Alice au pays des merveilles (suivi de De l’autre côté du miroir), Hatier, 1992 :
format : 255 x 185 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 255 pages
prix : 68 F
Cette édition comprend la traduction de M.-M. Fayet et les illustrations de Dagmar Berková. La forme des ces 53 images est très variée, tantôt en in-texte, tantôt en hors-texte, tantôt sur deux pages, tantôt en couleur, tantôt en noir et blanc, etc. À propos de Berková, il s'agit d'une artiste tchèque née à Prague, et dont le travail sur Alice au pays des merveilles, puis De l’autre côté du miroir, ont constitué son mémoire de fin d’études pour les Beaux-Arts en 1977.
C’est un ouvrage intéressant d’un point de vue éditorial : même si son papier n’est pas de première main, son prix apparaît peu élevé compte-tenu de son volume (255 pages) et de sa qualité (la plupart des illustrations sont en couleur).

Alice au pays des merveilles, Hachette-Jeunesse, 1993 :
format : 294 x 230 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 120 pages
prix : 105 F
Cette édition se caractérise matériellement par son dos en tissus qui lui permet d’être très vite identifiée, même si présentée sur étagères. Sa couverture cartonnée (donc solide) indique que ce livre est peut être destiné aux jeunes enfants.
Le texte de Carroll, traduit par Philippe Rouard, est illustré par Tony Ross. Elle compte 84 images, toutes en couleur ; sur 117 pages, 35 ne comportent que du texte, ce qui signifie qu’environ 60 % des pages du livre sont illustrées.
Cette conception ‘innocente’ de l’œuvre de Carroll, et ces illustrations qui semblent s’adresser à un public très jeune, m’engagent à décrire plus attentivement cette édition dans la quatrième partie de cette étude, en la comparant aux éditions illustrées par Claveloux et Steadman.

Les aventures d’Alice au pays des merveilles, Corentin, 1993 :
format : 192 x 157 mm
couverture : cartonnée avec tissus, jaquette en papier
nombre de pages : 191 pages
prix : 119 F
Cette édition, qui tient compte de la traduction du texte de Carroll par Henri Parisot, présente les illustrations d’Arthur Rackham (au nombre de 28 en tout), datant du début du siècle. Du point de vue de sa forme, chaque page est entourée d’un cadre, à l’exception des illustrations hors-texte (au nombre de 16, dont 13 en couleur), ce qui donne aux images un rôle essentiellement récapitulatif.
Arthur Rackham, né en 1867 et mort en 1939, fut comme Tenniel d’abord illustrateur de presse. Considéré comme l’un des maîtres de l’art du fantastique, il illustra également Merlin l’Enchanteur, Le Roi Arthur et Peter Pan dans les Jardins de Kensington, édités par les éditions Corentin.

Alice au pays des merveilles, Gründ, 1993 :
format : 280 x 220 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 108 pages
prix : 49,50 F
Cette édition, dont le texte est traduit et adapté par Anne Dechannet, est illustrée par Éric Kincaid. Ces illustrations sont très proches des photographies que Carroll nous a laissé d’Alice Liddell. Ce visage d’une Alice presque réelle a peut-être pour fonction d’être visualisé plus facilement dans l’esprit des lecteurs : c’est un exemple d’illustration qui s’écarte du non-sens prôné par Carroll.

Alice au pays des merveilles, Slatkine, 1995 :
format : 175 x 115 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 232 pages
prix : 40 F
Ce livre a la particularité d’inclure la traduction et les illustrations d’un même homme, René Bour. Il représente d’ailleurs Alice de manière très originale, superposant les plans sans tenir compte des lignes cachées : cette vision par « transparence », très irréelle, nous introduit plus facilement, selon moi, dans le pays des merveilles. Ces illustrations, au nombre de 54, sont par ailleurs toutes en in-texte.

Les éditions illustrées par Carroll ou Tenniel

Alice racontée aux petits enfants (suivi de Poésies pour Alice et Lettres à des enfants), éditions Éric Losfeld, 1969 :
format : 193 x 140 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 287 pages
prix : non identifié
Cette version, qui comprend la traduction d’Henri Parisot du texte The Nursery Alice et les illustrations de John Tenniel, est celle des éditions Éric Losfeld (le père de l’éditeur contemporain Joëlle Losfeld), par ailleurs disparues depuis. Nous remarquons que le livre n’était pas massicoté à l’origine, et que les pages ont été découpées au couteau. Le texte de Carroll est précédé d’un court avant-propos du traducteur expliquant le contenu du livre et justifiant sa parution ; la voici :
« La présente version abrégée des Aventures d’Alice au pays des Merveilles fut écrite (en 1889, selon toute vraisemblance) par Lewis Carroll, à l’intention des enfants âgés "de zéro à cinq ans".
Accompagnée de vingt des célèbres illustrations de Tenniel, agrandies et coloriées, elle parut chez Macmillan, à Londres, en 1890, dans le format 20 x 26 cm, sous couverture cartonnée ornée, sur chaque plat, d’un dessin en couleur dû à Gertrude Thomson. Cette édition originale anglaise est depuis longtemps introuvable. À notre connaissance, son texte, jusqu’à aujourd’hui, n’avait jamais été traduit en français. H.P. »
Ajoutons que conformément à la première édition anglaise évoquée, seules 20 illustrations des 42 élaborées par Tenniel pour Alice au pays des merveilles ont été retenues ; néanmoins, ces illustrations apparaissent ici en noir et blanc, alors que la version originale les présentait en couleur : peut-être est-ce dû à une contrainte de type économique.
Enfin, le texte d’Alice pour enfants « de zéro à cinq ans » est complété ici par des lettres et poèmes parfois assez complexes : l’édition de Losfeld semble donc s’adresser davantage à des adultes (par exemple, amateurs de Carroll désireux d’acquérir la version française de The Nursery Alice) qu’à des enfants.

Les aventures d’Alice au pays des merveilles, éditions Aubier-Flammarion, 1970 :
format : 180 x 110 mm
couverture : souple
nombre de pages : 319 pages
prix : non identifié
Cette édition possède deux particularités : c’est une édition bilingue, et elle propose les illustrations de Carroll en fin de volume, sur 13 pages annexes. En ce qui concerne sa conception, le texte en anglais apparaît sur les pages paires (à gauche), et la traduction d’Henri Parisot sur les pages impaires (à droite, Belles Pages). Le livre fournit également au lecteur une chronologie de Lewis Carroll, ainsi qu’une préface de Jean Gattégno.
En ce qui concerne les illustrations, elles sont au nombre de 37, soit en totalité par rapport à l’œuvre originale (le manuscrit Alice’s adventures underground d’où elles sont tirées). On comprend aisément qu’elles aient été placées à la fin du livre, car leur mise en place in-texte aurait complètement bouleversée le mode de traduction page-à-page. Ce système de présentation bilingue ne fait donc pas la part belle à l’image, puisqu’il ne permet pas la corrélation image-texte ; or l’image perd énormément d’intérêt si elle n’est pas mise en rapport direct avec le texte qu’elle illustre. Néanmoins, signalons que cette édition est l’une des rares à proposer les illustrations de Carroll.

Les aventures d’Alice au pays des merveilles, Flammarion, 1972 :
format : 183 x 230 mm (présentation « à l’italienne »)
couverture : cartonnée recouverte de tissus vert foncé
nombre de pages : 176 pages
prix : 113,20 F
Cette édition, qui comprend la traduction d’Henri Parisot et les illustrations de Tenniel, se caractérise par la coloration partielle de ses illustrations par Michel Otthoffer. Ces parties colorées sont dans chaque image ce que découvre Alice dans le texte. Il y a donc ici une volonté de guider le lecteur davantage encore que ne le font déjà les illustrations.
En ce qui concerne le texte, il est imprimé en corps assez gros, sur des pages aux marges très étroites : ceci produit un effet de texte en blocs assez bruts.

Alice au pays des merveilles, Gallimard (collection 1000 Soleils), 1978 :
format : 210 x 130 mm
couverture : cartonnée, simili-cuir rouge avec jaquette en papier plastifié
nombre de pages : 190 pages
prix : 61 F
Cette édition tient compte de la traduction de Jacques Papy et des illustrations de John Tenniel. Elle nous présente 40 estampes en noir et blanc du caricaturiste anglais, dont 39 en in-texte : il s’agit d’une présentation très classique, sans doute très proche de la première édition anglaise du livre. Nous pouvons ajouter que cette édition date de 1978, mais que la première édition de ce livre dans cette collection date de 1975.
Cette édition fait l’objet d’une étude plus approfondie dans la troisième partie de cette étude, (étude des illustrations de Tenniel et de Carroll).

Alice au pays des merveilles, Gallimard (collection Folio Junior, nž 117), 1979 :
format : 180 x 110 mm
couverture : souple
nombre de pages : 192 pages
prix : 26,50 F
Cette édition, illustrée par Tenniel et comprenant la traduction de Jacques Papy, et très proche, dans son choix de disposition des images, de l’édition Gallimard, collection 1000 Soleils. De même, les notes de fin de livres sont rigoureusement identiques à celles de l’édition 1000 Soleils. Les différences entre les deux livres se situent donc essentiellement au niveau du format (ici, format poche) et du papier, ici moins épais (format poche oblige). D’après J.-M. Bouvaist, le format « poche » est de plus en plus utilisé par l’édition de livres pour la jeunesse (1994).

Alice au pays des merveilles (suivi de De l’autre côté du miroir (et ce qu’Alice y trouva)), Hachette (collection Grandes Œuvres), 1984 :
format : 207 x 135 mm
couverture : cartonnée
nombre de pages : 335 pages
prix : non identifié
Cette édition comporte la traduction de Philippe Rouard et les illustrations de John Tenniel. Elle présente, sur sa couverture, une reproduction stylisée de quelques dessins de Tenniel. Toutes les illustrations de Tenniel semblent avoir été insérées dans le texte (42 illustrations en in-texte), et le façonnage du livre est d’assez mauvaise qualité (reliure collée et fragile).
La traduction utilisée ici est la même que celle utilisée dans l’autre édition Hachette de cette liste (illustrée par Tony Ross) : nous pouvons supputer l’existence d’un contrat liant tel traducteur avec telle maison d’édition.

Alice au pays des merveilles, Gallimard (collection Folio Junior ‘édition spéciale’, nž 437), 1987 :
format : 180 x 110 mm
couverture : souple
nombre de pages : 223 pages
prix : 29,50 F
Cette édition se définit comme une réédition du titre de la collection Folio Junior prolongée d’un supplément (à lire dans l’autre sens du livre, en le retournant) proposant une analyse du texte, des jeux de mémoire et des questions. Cette partie complémentaire est illustrée par P. Munch, qui reprend sensiblement les figures de Tenniel.

Alice racontée aux petits, École des Loisirs, 1988 :
format : 150 x 190 mm
couverture : souple
nombre de pages : 64 pages
prix : 38 F
Cette édition, qui inclue la traduction de The Nursery Alice par Bernard Noël, et assez comparable à celle publiée par les éditions Éric Losfled en 1969. Toutefois, ce livre semble uniquement adressé aux enfants : les 20 illustrations de Tenniel sont coloriées (comme dans la version originale anglaise), et le texte des aventures d'Alice n'est pas complété par des lettres ou poésies de type « documentaires » (comme dans l’édition de Losfeld).
Par ailleurs, cette version n’est pas totalement fidèle à l’originale, puisque la couverture du livre ne contient pas l’illustration de Thomson.
La mise en page de l’ouvrage est quant à elle très aérée, ce qui peut faciliter la lecture pour les petits.

Les aventures d’Alice au pays des merveilles in Œuvres, Gallimard (collection Bibliothèque de la Pléiade, nž 365), 1990 :
format : 170 x 110 mm
couverture : souple, recouverte de cuir, avec jaquette plastifiée
nombre de pages : 1983 pages
prix : 460 F
Cette version, la plus prestigieuse, est illustré par Tenniel (et Carroll en ce qui concerne Les aventures d’Alice sous terre, publiées en appendice, que nous verrons dans la troisième partie de cette étude), traduite par Henri Parisot et élaborée par Jean Gattégno.
On peut s’interroger sur le choix de Gallimard quant à cette traduction de Parisot, car dans ses quatre éditions précédentes (1000 Soleils, Folio, Folio Junior, Folio Junior édition spéciale), la maison d’édition s’était référée à la traduction de Jacques Papy.

Alice au pays des merveilles, Pocket, 1992 :
format : 180 x 110 mm
couverture : souple
nombre de pages : non identifié
prix : 40 F
Cette édition, qui inclue la traduction de J.-P. Berman, est une édition bilingue, illustrée par Tenniel. Elle contient également bon nombre de notes.

Alice au pays des merveilles (suivi de De l’autre côté du miroir (et ce qu’Alice y trouva)), Gallimard (collection Folio, nž 2657), 1994 :
format : 180 x 110 mm
couverture : souple
nombre de pages : 371 pages
prix : 35 F
Cette édition, incluant la traduction de Jacques Papy et les illustrations de Tenniel, est préfacée et mise en forme par Jean Gattégno. Elle présente les deux principaux textes de Lewis Carroll d’une manière très classique (les illustrations sont discrètes).

 

Comme nous pouvons le constater après ce rapide survol des étagères de librairies et bibliothèques françaises, la proportion de livres illustrés à l’aide d’images postérieures au récit apparaît donc ici sensiblement plus forte (14 contre 11), et ce grâce aux nombreuses interprétations dues à des artistes contemporains (les illustrations créées dans les vingt dernières années sont ici au nombre de douze).

 

Conclusion partielle

Nous pouvons donc en conclure que le conte de Lewis Carroll suscite toujours autant d’intérêt, à l’image des nombreuses productions engendrées tout au long du XXe siècle. À l’instar de nombreux « classiques » de la littérature universelle, le récit est adapté dans une multitude d’édition très différentes, des moins onéreuses aux plus luxueuses. Néanmoins, il faut signaler l’importance des éditions illustrées par Tenniel, dont l’œuvre est encore très présente, et ce dans les éditions les plus populaires (je pense à Gallimard). Ceci nous amène à signaler l’influence prédominante de l’interprétation de Tenniel sur la lecture du conte (sujet de notre troisième partie).

 

 


1 recherche non-exhaustive effectuée à partir de deux bases de données importantes (Electre (le fichier des libraires), puis le fichier informatisé de la bibliothèque municipale de Bordeaux), des fonds de plusieurs bibliothèques des environs de Bordeaux et de la bibliothèque centrale de prêt de Saint-Médard-en-Jalles

2 pour l’étude des livres comprenant plusieurs textes de Carroll, je me limite uniquement aux parties relatives au texte Alice au pays des merveilles

3 in Guide européen du livre de jeunesse, Cercle de la Librairie, 1994

4 PERROT (Jean), Art baroque, art d’enfance, P.U.N., 1988, p. 111.

5 né le 21 août 1931 à Paris et formé à l’atelier Paul Colin

6 in Guide européen du livre de jeunesse, Cercle de la Librairie, 1994, p. 17.

7 « Fordisme culturel : grandes séries à bas prix qui inondent le marché avec des produits inutiles, tout en laissant insatisfaits les besoins-attentes-aspirations essentiels. » (J.M. Bouvaist)

8 Dans cette version, on constate une complicité permanente avec le jeune lecteur : par exemple, le ton du tour oral tutoie fréquemment directement le lecteur. L’enfant est ainsi invité à participer à la narration en répondant aux questions du texte.