La version du conte éditée par Hachette-Jeunesse en 1993

Présentation

Cette version du conte tient compte de la traduction de Philippe Rouard et des illustrations de Tony Ross. Ces illustrations sont au nombre de 84 (sans compter la couverture et la petite image de page de garde et de quatrième), dont 23 sont des images hors-texte, comme nous le verrons lors de l’étude des mises en pages. À propos du texte, signalons qu’il s’agit là de la traduction d’une adaptation par Tony Ross. Ainsi, de façon à « rendre la lecture du récit plus agréable aux enfants », Ross s’est permis de modifier légèrement certaines phrases, comme : « Pardon, Madame, sommes-nous en Nouvelle-Zélande ou en Australie ? » transformé en : « Pardon, m’dame, suis-je en Nouvelle-Zélande ou en Australie ? » En outre, le prix de ce livre est de 105 F.

L’illustrateur Tony Ross

En ce qui concerne maintenant Tony Ross, il s’agit d’un artiste anglais né à Londres en 1938, et considéré comme l’un des plus productifs illustrateurs de livres pour la jeunesse (il est aussi auteur, et environ 80 de ses livres ont été publiés en France). Après avoir étudié au Regional College of Art de Liverpool, puis travaillé dans divers studios d’art graphique et agences de publicité, il est aujourd’hui professeur d’art illustratif au Polytechnic College de Manchester, où il s’occupe surtout de caricatures.

Le secteur Jeunesse des éditions Hachette

En ce qui concerne le secteur Jeunesse de la maison d’édition Hachette, nous pouvons simplement signaler qu’il s’est naturellement développé dans la mouvance du secteur scolaire, déjà doté d’un bon réseau de distribution - c’est le cas chez d’autres éditeurs scolaires comme Nathan, Hatier ou Magnard -. Notons que les premières traces de ce secteur Jeunesse remontent tout de même aux années vingt, avec notamment le rachat de la maison d’édition Hetzel en 1917, puis les « grands albums » illustrés par Félix Lorioux suivi d’André Pécoud.

Description physique du livre

Pour en venir à l’aspect matériel du livre, il comporte 120 pages, pour un format de 295 x 230 mm. Sa couverture cartonnée et son type de reliure, renforcée à l’intérieur par une bande de papier collée entre les pages de garde et la couverture et à l’extérieur par un dos en tissu rouge, lui assure une grande solidité convenant parfaitement à son utilisation par des jeunes enfants. Le dos en tissu possède comme unique indication le titre du livre en lettres capitales. Par ailleurs, la composition de la couverture reprend une partie du dos en tissu, ce qui forme, tout comme sur la quatrième de couverture, une bande de tissu rouge de 35 mm du côté reliure.

Hormis cette bande rouge, la couverture est agrémentée d’une illustration pleine-page de Tony Ross qui n’apparaît pas à l’intérieur du livre. Cette image synthétise en quelque sorte le conte en représentant plusieurs scènes à la fois : Alice est dans une position très semblable à celle qu’elle adopte lorsqu’elle est coincée dans la maison du Lapin, tout en se protégeant des cartes à jouer volantes comme à la fin du texte, entourée du Lapin Blanc en train de courir, d’un petit flacon posée au sol (sans doute l’élixir qui permet ses multiples transformations) et dans un coin du Chat de Chester.

Dans un même ordre d’idée, les tons de cette couverture, aussi bien dans la peinture que dans l’aplat de fond, sont ceux que l’on retrouve souvent dans le livre (violet-bleu). Il y a donc là une véritable volonté de synthétiser les différents attributs du livre, de le présenter rapidement en une image.

En ce qui concerne la quatrième de couverture, elle est visuellement très sobre : une bande de tissu rouge sur son côté droit (en fait le dos en tissu, comme nous l’avons vu), le code-barre dans son coin inférieur gauche, et une petite illustration en son centre. Cette illustrations représente le Chat de Chester tenant une sorte de hache sur laquelle est fixée une carte à jouer : il est intéressant de noter que cette image apparaît également sur la page de titre du livre, synthétisant la encore plusieurs éléments du conte : le Chat, le tranchoir du bourreau et une carte à jouer.

Enfin, en ce qui concerne le procédé de reliure, il s’agit d’un livre collé-cousu : les cahiers intérieurs ont été cousus, puis collés entre eux. Ce procédé garantit une grande solidité.

Comme précédement avec Carroll et Tenniel, nous allons maintenant tenter d’analyser d’abord quelles sont les parties du texte illustrées par Tony Ross, puis quelles sont les mises en pages adoptées. Néanmoins, aucune illustration ne sera commentée en détail dans une sous-section appropriée : les remarques concernant le style ou la technique de l’artiste auront lieu lors de l’étude des images par rapport au texte.

Les images par rapport au texte

Tout d’abord, nous constatons que, comme dans l’édition 1000 Soleils illustrée par John Tenniel, l’apparition de l’image a lieu avant même le commencement du texte : en effet, comme nous l’avons déjà observé dans la description physique du livre, une petite image du Chat tenant le tranchoir du bourreau avec à son extrémité une carte à jouer est présente dès la page de titre. La fonction introductive de cette image est double, car non seulement elle évoque un ouvrage dans lequel va intervenir l’image, mais aussi un monde dans lequel interviendra le Chat, un bourreau et des cartes à jouer (la petite icône reprenant ainsi plusieurs épisodes du récit).

Le début du texte

En ce qui concerne le début du récit, il est illustré ici par une image hors-texte située en vis-à-vis du commencement du premier chapitre. Elle représente le Lapin Blanc courant au premier plan en regardant sa montre, avec derrière lui sur un talus Alice le regardant d’un air surpris. Nous pouvons également remarquer la présence de la sœur d’Alice, et, dans le fond, un décor de campagne. Il y a donc ici une fidèle reconstitution des éléments fournis par le texte, et dont l’interprétation est essentiellement établie par le style graphique de l’auteur, mêlant aquarelle et dessin au trait noir dans une sorte d’imprécision très fantaisiste.

La deuxième image du récit est encore une image hors-texte située page 10 (donc à gauche puisqu’il s’agit d’un numéro pair). Elle représente une scène inédite chez Carroll ou Tenniel : Alice tombant dans le puits 1. Il est intéressant de remarquer ici l’expression paniquée d’Alice, très différente de son attitude précédente. Par ailleurs, nous pouvons signaler qu’une des peintures figurant sur les parois du puits est issue d’un dessin autobiographique de Carroll intitulé : « Moi pendant mes cours » ; deux autres représentent des cartes géographiques de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie, faisant ainsi directement allusion au texte, lorsqu’Alice demande : « Pardon m’dame, suis-je en Nouvelle-Zélande ou en Australie ? »

Ainsi, non seulement Ross justifie sa connaissance de l’œuvre et de son auteur (le dessin de Carroll), mais encore il relie par des détails accessoires ses images au texte (les cartes géographiques). Ross tente donc d’établir dès ces premières pages une sorte de complicité entre son art et celui de Carroll.

Dans la petite salle

Ensuite, nous pouvons découvrir quatre petites images in-texte. Il s’agit d’abord d’Alice regardant par la petite porte, couchée sur le ventre, avec là encore une expression très marquée, rappelant cette fois le dépit. Ensuite, une illustration du petit flacon « Bois-moi » intervient. Elle est selon moi très intéressante pour deux raisons : d’une part, pour son allure moderne, avec son bouchon vissant que l’on devine en plastique et qui rappelle par exemple les flacons actuels de sirop contre la toux ; d’autre part pour son inscription en français alors que les illustrations sont d’origine anglaise.

À propos de cette dernière remarque, nous pouvons supputer, contrairement aux dessins de Tenniel (où nous pouvons lire « Drink me » sur le petit flacon), que cette image a d’abord été créée avec une étiquette blanche sur le flacon, et que l’inscription a été rajoutée en diverses langues suivant les traductions. Si tel est réellement le cas, il est intéressant de remarquer que la conception des illustrations a pu être pensé en fonction d’une distribution internationale de l’ouvrage. Cette observation serait alors à mettre en relation avec la grande notoriété de Tony Ross.

Les images insérées ensuite représentent Alice réduite tentant de grimper à la table puis Alice mangeant le gâteau. Là encore, son visage prend successivement différentes expressions, la crainte et l’avidité. Elles sont suivies par une image hors-texte située face au début du chapitre deux, dans laquelle le visage d’Alice n’apparaît pas. En effet, il s’agit d’une représentation des jambes d’Alice entre lesquelles passe en courant le Lapin Blanc, fonçant vers des ténèbres représentées par un tunnel en arrière-plan. Nous pouvons noter ici les tons sombres des couleurs (bleu-violet-noir) qui à eux seuls rappellent les ténèbres, ainsi que l’originalité de cette composition qui sans nous montrer un seul visage (le Lapin est de dos) nous suggère la panique du Lapin et l’étonnement d’Alice (à travers son immobilité).

La mare aux larmes

Ensuite, après deux illustrations in-texte relatives au poème que récite Alice pour se rassurer, et dans lesquels interviennent crocodiles et poissons, Tony Ross a choisi d’illustrer l’épisode de la mare aux larmes suivant le même rythme que Carroll : une illustration d’Alice rencontrant la Souris en nageant (in-texte), une illustration dans laquelle plusieurs animaux finissent par intervenir (hors-texte) et une illustration où tout le monde finit par se retrouver sur la berge (in-texte).

Nous constatons néanmoins que le nombre des animaux intervenant est ici très réduit : alors que nous pouvons en compter au moins quatorze chez Tenniel et même vingt-deux chez Carroll, Ross n’en représente ici que huit. Il s’agit sans doute d’un des moyens utilisés par l’illustrateur afin de clarifier la situation et de rendre plus facilement compréhensible l’histoire à l’enfant. Notons encore qu’Alice n’apparaît pas dans l’illustration des animaux sur la berge : composée comme une « photo de classe », cette image donne la sensation au lecteur d’observer ces personnages à travers le regard d’Alice.

La rencontre avec les animaux

Tony Ross a ensuite choisi d’illustrer, à l’aide d’une image hors-texte une fois encore située en page de gauche (page 26), la course des animaux 2. Celle-ci est très colorée, établie sans perspective, à la façon des peintures orientales : Alice est située au centre de l’image, et les animaux sont disposés tout autour d’elle. Remarquons que le nombre des animaux a augmenté, passant subitement à douze.

Le passage du jeu de mot sur la queue de la Souris est quant à lui illustré très sobrement par une simple queue de souris au bas de la page 28. Elle est suivie sur la page suivante par la représentation de la Souris racontant son histoire, avec au second plan Alice tenant son visage à deux mains dans une expression de grande curiosité, ce que renforce l’image d’une poule en contrebas trépidant d’excitation.

Dans la maison du Lapin Blanc

Le passage illustré suivant est celui dans lequel Alice rentre dans la maison du Lapin Blanc. Contrairement à Tenniel ou Carroll, Ross a donc préféré nous montrer d’abord l’intérieur de la maison que l’extérieur. Cette illustration, où l’on voit plus précisément la chambre du Lapin et Alice y rentrant, est positionnée en hors-texte, page 32, ce qui nous amène à la mettre en corrélation directe avec l’illustration suivante, elle aussi en hors-texte, située page 34. En effet, il suffit de tourner une page pour voir l’illustration de la chambre ordonnée du Lapin remplacée par la représentation d’Alice agrandie et coincée dans cette même chambre. Nous pouvons en outre remarquer que les tons de cette seconde image sont beaucoup plus sombres, ce qui renforce l’expression d’inquiétude dans le visage de la fillette.

Les illustrations qui viennent ensuite déterminent l’extérieur de la maison. Il s’agit d’abord d’une image hors-texte située page 36, soit deux pages après l’illustration précédente (et donc toujours à gauche), représentant Bill le Lézard jaillissant de la cheminée. C’est là une image très intéressante d’un point de vue graphique, dans laquelle l’artiste s’est amusé à utiliser une sorte d’objet enduit d’encre afin de « tamponner » des marques de suie à la fois sur le lézard et sur la cheminée. De plus, la structure de l’image, après les quatre dernières pages très remplies (soit de peinture, soit de texte), rétablie une sorte d’équilibre grâce à sa grande surface blanche entre le lézard situé dans le coin supérieur droit de l’illustration et la cheminée dans le coin inférieur gauche.

Nous trouvons ensuite une illustrations in-texte représentant Alice en train de diminuer de taille en mangeant les gâteaux. Enfin, ce passage est ponctué par la représentation d’Alice sortant de la maison et découvrant les animaux en train de secourir Bill le Lézard. C’est là une image hors-texte, située encore à gauche (pour la quatrième fois consécutive), très colorée. Il est intéressant de noter que le style vague et imprécis du trait de Tony Ross lui permet néanmoins de représenter certains détails, comme par exemple ici l’architecture de la maison ou les vêtements des animaux. C’est notamment cette particularité qui singularise cet illustrateur.

Le passage de la rencontre d’Alice et du Ver à soie 3

Avant de commenter les illustrations de cette partie du récit, il est important de remarquer que Tony Ross a entièrement supprimé, non seulement au niveau de l’image mais aussi au niveau du texte, le passage relatif à la rencontre d’Alice et du chiot. Cette suppression a peut-être pour fonction de simplifier la compréhension du texte par des jeunes enfants, que la scène du chiot, courte et indépendante, aurait désorienté…

En ce qui concerne maintenant le passage où Alice rencontre le Ver à soie, il est d’abord illustré par une image hors-texte située page 40, en face du début du chapitre 5. Elle se caractérise surtout par la vision du Ver par Tony Ross : en effet, il est ici coiffé fez, à la façon des Turques, et possède des allumettes à ses pieds. Toute la scène est donc relative au narguilé, placé par ailleurs au centre de l’image.

Le poème « Vous êtes vieux père Guillaume »

L’illustration suivante, la sixième consécutive placée en hors-texte sur la page de gauche, illustre quant à elle la première strophe du poème « Vous êtes vieux, père Guillaume », étudiée dans le troisième chapitre de la deuxième partie de ce mémoire. Plusieurs remarques sont à formuler à ce sujet : d’abord, en ce qui concerne la traduction du texte, le poème s’intitule ici « Vous êtes vieux, père Guillaume », et non plus « père William » 4, et le traducteur a choisi de ne pas faire rimer les vers en français (à moins que cette particularité soit due à l’adaptation du texte original par Tony Ross). Sans trop approfondir, car là n’est pas le sujet de cette étude, il est intéressant de signaler que d’autres traducteurs comme M.-M. Fayet ou encore René Bour ont préféré traduire le nom du vieil homme par « père Guillaume ».

Ensuite, pour en revenir à l’illustration, nous pouvons remarquer ses teintes rouges-violettes qui peut-être ont pour fonction de démarquer le domaine du poème, de « l’histoire dans l’histoire », à l’instar de Tenniel avec ses encadrements, ou encore comme nous le verrons de Steadman avec des cadres spéciaux. Enfin, signalons que cette illustration du poème « Vous êtes vieux, père Guillaume », suivie de deux autres images in-texte représentant père Guillaume roulant « en boule » et maintenant une anguille en équilibre sur son nez, est un cas assez rare parmi les diverses éditions illustrées qu’il m’a été donné de consulter : en général, en effet, ce poème n’est pas interprété.

Les transformations d’Alice devant le Ver à soie

Tony Ross a ensuite illustré par deux images in-texte et une image hors-texte les transformations de la fillette dues à son absorption de champignon. Elle apparaît donc dans un premier temps rétrécie, la tête touchant ses pieds, page 46, puis dans la page suivante située en vis-à-vis, agrandie, le cou s’allongeant démesurément. Cette succession des deux images est intéressante, car mis à part son changement de proportions, la représentation de la fillette est identique dans les deux images (même angle, même couleurs, même attitude de surprise/affolement). Le dynamisme de la métamorphose est ainsi mieux perceptible.

C’est également le cas dans l’image qui suit, en hors-texte page 48. Ici, alors que le corps de la jeune héroïne est situé dans le coin inférieur droit, sa tête apparaît dans le coin supérieur gauche, au bout d’un cou sinueux et que l’on imagine très mouvant du fait de ses ondulations simulées par des petits traits noirs dans l’air. On remarque ici encore une expression de surprise sur le visage d’Alice : nous pouvons à cet égard remarquer que les attitudes et expressions de la fillette sont ici variables et très marquées, contrairement aux représentations qu’en ont fait Carroll ou Tenniel. Ce fait est dû selon moi à la façon dont Tony Ross doit dessiner, que l’on sent rapide et instinctive : la « charge émotive » de l’artiste s’inscrit alors directement sur le papier, sans cette perte de vigueur qu’aurait peut-être engendré un souci de réalisme plus poussé ou une étude de la perspective et des proportions.

Chez la Duchesse

Ensuite, Ross s’est attaché à représenter le passage d’Alice chez la Duchesse. Il s’agit là d’une série d’illustrations assez importante, comportant six images (contre deux pour Tenniel et Steadman, et une seule pour Claveloux). La première de ces images, en hors-texte face à la page de début du chapitre six, nous présente les deux laquais (le poisson et la grenouille). Elle semble directement inspirée de l’illustration de Tenniel relative à la même scène, à cause notamment de la position des personnages et de la taille de la lettre. Après une petite image in-texte représentant une assiette frôlant la tête d’un des deux laquais, on retrouve ensuite une nouvelle image hors-texte, cette fois-ci à droite (pour la première fois depuis le début du livre), dans laquelle la scène du passage d’Alice chez la Duchesse est représentée d’une façon générale : on y trouve ainsi les différents personnages du lieu (la Duchesse, la cuisinière, le bébé et le Chat de Chester), ainsi que les ustensiles de cuisine volant à travers la pièce.

Les deux illustrations suivantes sont consacrées à la berceuse que chante la Duchesse : la première des deux images montre ainsi une femme en train de battre un petit enfant avec un poisson, et la seconde représente un petit garçon éternuant 5. Cette dernière image est intéressante dans la mesure où le garçon « décapite » le Chat de Chester qui se trouve à ses côtés en éternuant : cette scène est peut-être un moyen pour Tony Ross de rendre par la suite plus plausible, si l’on peut dire, l’apparition de la tête du chat dans le jardin royal. Cette image est suivie par une représentation in-texte de la Duchesse en train de lancer en l’air le nourrisson, ce qui constitue en fait un retour au conte : pour ma part, cette alternance entre illustration de la Duchesse, illustration de la berceuse et à nouveau illustration de la Duchesse crée une variation très vivante, s’accordant parfaitement avec l’action du récit.

Ensuite, Tony Ross a illustré la scène dans laquelle le bébé se transforme en cochon. Afin de rendre plus vivante la transformation, la scène se décompose d’abord en six petits visages en page 57 (trois dans la partie supérieure, trois dans la partie inférieure) retraçant l’évolution de la transformation, depuis la tête de bébé à la tête de cochon. Cette petite série trouve son image finale lorsque l’on tourne la page, avec une illustration in-texte page 58 dans laquelle Alice, qui n’avait pas été représentée depuis le passage de sa propre transformation, tient le petit cochon à bout de bras avec un air de surprise.

La rencontre avec le Chat de Chester

Vient le passage de la rencontre d’Alice avec le Chat de Chester. Les illustrations de Tony Ross relatives à cette scène rappellent beaucoup celles de Tenniel dans l’édition 1000 Soleils. Placées en in-texte dans la partie supérieure de la page, elles se divisent en trois images : la première avec le Chat entièrement dessiné, « bien réel », page 59 ; la deuxième avec une partie du Chat ayant disparu et des formes moins précises, page 60 ; enfin la troisième où nous n’apercevons plus que la branche et quelques traits rappelant le sourire du Chat, ses yeux et son nez. Cette succession, dont les pages servent à la fois de support à l’image et de repères temporels, permet une fois encore de mieux imaginer la scène.

Chez les fous

La scène illustrée qui suit est celle du passage d’Alice chez les fous (le Chapelier, le Lièvre de Mars et le Loir). Tony Ross a d’abord commencé par représenter dans une illustration hors-texte située face au début du chapitre sept les différents personnages et en second plan l’intrusion d’Alice parmi eux. Cette image, très colorée, rappelle par exemple les premières illustrations des chapitres quatre et cinq, dans lesquelles nous voyons également Alice découvrant un nouveau décor. En ce qui concerne cette représentation de la table des fous, nous pouvons également noter l’apparition d’objets comme un Rubik’s Cub, sorte de casse-tête anglais bien connu, dont on devine qu’il rend fou selon Ross, ou encore une tasse de thé coincé dans une branche, ce qui là devient totalement irréel.

Ensuite, nous pouvons trouver une illustration du Lièvre trempant sa montre dans le thé, puis deux illustrations relatives à des « histoires dans l’histoire », d’une part avec des chauve-souris issues d’une chanson du Chapelier, et d’autre part avec la représentation de trois femmes au fond d’un puits de mélasse, issues de l’histoire du Loir. Nous pouvons noter à cet effet que les illustrations de Tony Ross ne se limitent pas aux gestes et découvertes d’Alice, mais concernent aussi souvent les poèmes et histoires diverses dont le récit est agrémenté.

Enfin, ce passage d’Alice chez les fous se terminent ici par une illustration hors-texte en page 69 (soit à droite) représentant le Lièvre et le Chapelier en train d’introduire le Loir dans la théière. Il est intéressant de constater à cet effet que la théière est assez grande pour contenir l’animal : l’action des deux fous a donc un sens, ce qui peut s’opposer à l’esprit et au « non-sens » carrollien. Nous pouvons penser que le public présumé du livre, c’est-à-dire les jeunes enfants, ne pourrait profiter sans être troublé de l’histoire d’Alice au pays des merveilles sans cette part de rationalisation. Ceci n’est néanmoins qu’une hypothèse ne justifiant pas tout à fait l’interprétation de Tony Ross.

Dans le jardin de la Reine

Le passage du conte illustré ensuite par Tony Ross est l’arrivée d’Alice dans le jardin de la Reine. Elle est d’abord marquée par la scène dans laquelle les jardiniers / cartes à jouer repeignent les roses blanches en rouge, ce que Ross illustre en ajoutant des têtes aux « cartes vivantes ». Cette image in-texte est suivie par une autre image in-texte représentant la suite royale, à la manière d’un portrait de famille, comme si nos yeux étaient ceux d’Alice. Cette scène est par ailleurs très colorée. Ensuite, à travers quatre petites illustrations intexte, Tony Ross a représenté successivement les jardiniers en train de se jeter au sol, les gardes de la Reine leur marchant dessus devant le regard amusé d’Alice, la Reine rouge de colère aux côtés d’Alice prenant un air vainqueur, puis, illustration assez insolite, les gardes cherchant les jardiniers autour d’un pot de fleur géant duquel nous pouvons voir leurs pieds dépasser.

L’illustration suivante fait référence à la partie de croquet, et se situe page 78, en hors-texte. Elle peut être facilement comparée à l’illustration de Carroll relative au même passage, car il s’agit là aussi d’une vue d’ensemble du terrain de croquet, plus vallonné cependant (cela donne un caractère plus fantaisiste et irrégulier à la scène), avec comme dans l’édition « la Pléiade » des personnages aux occupations variées à divers endroits de l’image. Cette illustration peut s’appliquer à l’ensemble du passage, représentant même Alice essayant de manipuler son flamant 6. Elle est suivie d’une suite de petites vignettes rappelant exactement la succession d’images utilisée pour évoquer la transformation du bébé en cochon au chapitre six : ces images représentent ici l’apparition progressive de la tête du Chat de Chester. Elles sont composées de la même façon que les images du chapitre six, commençant par une esquisse de la bouche du Chat et se terminant par la tête complète et colorée de l’animal. Tony Ross a ensuite représenté le bourreau (en homme rude et masqué, et non en personnage de jeu de carte) parlementant avec le Roi tout en montrant du doigt la tête du Chat.

Enfin, ce passage se termine par une illustration hors-texte située en page 83 dans laquelle la Duchesse tente d’embrasser Alice ; cette illustration est suivi en page 84 par une image hors-texte représentant la Reine dans les airs, très énervée. Ici, la colère est suggérée non seulement par les visages très intimidés d’Alice, du Roi, de la Duchesse et même du Bourreau, mais aussi par le saut fantastique de la Reine dans les airs ; cette dernière action est exprimée dans le dessin par une sorte de spirale dessinée sous la Reine, évoquant le saut en l’air, et des traits sinueux autour de sa tête évoquant ce que l’on pourrait appeler « le rayonnement de sa colère »…

La rencontre avec le Griffon et la Tortue fantaisie

L’illustration suivante est une représentation de la Tortue fantaisie. Ce personnage est très intéressant compte-tenu des différentes interprétations illustrées qu’il a pu susciter, du fait de la description vague qu’en fait Carroll dans le texte, « ce avec quoi l’on fait la soupe à la Tortue fantaisie ». Ainsi, Ross a représenté ici une tortue avec un béret et comme carapace un couvercle de poubelle attaché au corps par une corde. Néanmoins, ce type d’illustration ne tient plus du tout compte du jeu de mot imaginé par Carroll à propos de la « turtle soup » (« soupe à la tortue »), mets très coûteux dans lequel la tortue est souvent remplacée par de la tête de veau, ce que l’on appelle alors : « mock turtle soup » (« soupe à la tortue fantaisie »), ce qui explique sans doute que la Tortue fantaisie ait été représentée chez Tenniel avec une tête et une queue de veau (d’après Jacques Papy).

Tony Ross illustre ensuite la danse du Quadrille des Homards avec une image hors-texte située en vis-à-vis du commencement du chapitre dix, et dans laquelle apparaissent au centre le Griffon et la Tortue fantaisie dansant, dans le coin inférieur gauche le visage d’Alice souriant, ce qui permet d’indiquer au jeune lecteur l’esprit général de l’illustration et du texte d’après Tony Ross, et dans le coin inférieur droit deux homards, afin de rappeler qu’il s’agit là du Quadrille des Homards. Cette illustration est suivie de huit images in-texte se rapportant à divers poèmes et chansons récités par la Tortue ou Alice. Il s’agit successivement d’un merlan et d’un bigorneau, puis du bigorneau seul (« Le merlan dit au bigorneau : pourriez-vous vous pressez un peu ? Il y a là, derrière nous, un marsouin qui me marche sur la queue. »), puis du merlan et du bigorneau atteignant la France (« Plus on s’éloigne de l’Angleterre, plus on se rapproche de la France. », suivis du merlan dansant avec des homards, puis de la queue d’un homard sortant de la mer, puis d’une panthère attablée (« (…) la panthère et le hibou se partageant un pâté. ») et enfin du homard grondant le cuisinier (« (…) vous m’avez trop grillé la carapace (…) ») suivi du hibou sortant d’un bol une cuillère à la main.

Cette dernière illustration se rapporte au poème dans lequel « la panthère et le hibou se partagent un pâté », situé trois pages auparavant, ce qui permet de rendre l’enchaînement des images plus fluctuant et ainsi plus vivant. Dans le même ordre d’idée, cette illustration est suivie d’une représentation de la Tortue chantant, ce qui nous ramène à l’aventure d’Alice après cette incursion illustrée dans les poèmes et chansons.

Le tribunal royal

Tony Ross s’est ensuite attaché à représenter le tribunal royal. Il s’agit là d’une illustration en hors-texte faisant face à la première page du chapitre onze. Nous pouvons reconnaître dans cette scène plusieurs personnages du récit, comme la Reine, le Roi, le Lapin Blanc, Bill le Lézard ou le Chapelier, présentés comme si nous étions à la place d’Alice. C’est donc à travers son regard que les jeunes enfants peuvent se repérer grâce à des visages familiers. Cette image est suivie d’une illustration in-texte représentant le Valet de Cœur en train de voler les tartes, ce qui correspond à l’accusation lue par le Lapin Blanc :
« Notre Reine de Cœur fit des tartes
Durant toute une journée d’été.
Le Valet de Cœur a dérobé ces tartes
Et les a toutes emportées ! »

Une fois encore, Ross a donc illustré un poème, et non le récit des aventures d’Alice : il est intéressant de noter que cette image est à ma connaissance l’une des seules à représenter le Valet en train de voler les tartes. Elle donne un caractère vivant à la scène à huis-clos du procès. Remarquons également l’apparition de la tête du Chat dans cette illustration, suggérant peut-être que ce personnage étrange, apparaissant et disparaissant mystérieusement, est peut-être l’unique témoin de la scène.

Cette scène est suivie par la représentation de deux cartes-gardes entraînant le Loir en le tenant par le manteau. L’illustrateur a ici joué avec la différence de taille des personnages : le Loir paraît ainsi minuscule entre les deux gros gardes. Par ailleurs, il s’agit là d’une scène suggérée par Ross, et non spécifiée dans le texte.

Nous pouvons ensuite considérer une nouvelle illustration hors-texte située en vis-à-vis de la première page du dernier chapitre. Il s’agit d’une simple représentation du lapin lisant les vers anonymes, passage située un peu plus loin dans le récit. Elle est suivie en pages 110 et 111 de quatre petites images in-texte représentant l’attitude de quatre personnages différents : d’abord la grenouille dans la partie supérieure de la page 110, avec air surpris et désorienté ; ensuite le Roi dans la partie inférieure de la page 110, l’air terrifié ; ensuite un animal habillé en greffier dans la partie supérieure de la page 111, l’air ennuyé ; enfin, le lézard dans la partie inférieure de la page 111, avec un air perplexe. Tony Ross, en répartissant ces quatre personnages dans l’espace de cette double-page, exprime une fois encore les sentiments des personnages, de la même façon qu’il parvient tout au long du livre à inscrire sur le visage d’Alice différents sentiments. L’intérêt est ici dans l’accumulation de réactions dubitatives qui marque le « tournant » du procès, lorsqu’Alice prend la parole.

Ces illustrations sont suivies page 112 par une illustration in-texte représentant des cartes à jouer tombant au sol en se changeant en feuilles mortes. Cette image est relative à l’une des scènes finales du récit, et n’est donc pas à sa place comme nous le verrons lors de l’étude de la mise en pages du livre. Le passage qui est illustré ensuite est en effet antérieur, représentant les cartes à visages humains et les animaux du tribunal se jeter sur la fillette. Il s’agit de la fin du rêve d’Alice, lorsqu’elle est sur le point de se réveiller.

Le retour à la réalité

Contrairement à John Tenniel ou Lewis Carroll, Tony Ross s’est attaché à illustrer la fin du récit et le retour pour Alice au monde réel. C’est ainsi que l’illustration in-texte de la page 115 représente Alice tenant la main de sa grande sœur, le regard un peu étonné, comme si elle venait de se réveiller. Nous pouvons néanmoins remarquer une carte à jouer et la présence du Lapin Blanc courant dans les herbes dans le coin inférieur gauche de cette image, ce qui ne renvoie pas totalement au domaine du rêve le monde fantastique d’où Alice revient.

Enfin, la dernière image du livre est relative au passage dans lequel la grande sœur d’Alice l’imagine en vieille personne, racontant son aventure imaginaire à ses petits enfants. Ross achève donc ce récit par une ultime représentation d’une « histoire dans l’histoire ». Comme pour le poème « Vous êtes vieux, père Guillaume », les tons de cette image sont très rouges, ce qui peut avoir pour fonction d’évoquer visuellement le domaine de la pensée, et non de l’acte.

La mise en pages adoptée

L’empagement et les blancs

En ce qui concerne l’empagement de ce livre, il a pour dimensions 180 mm de hauteur et 130 mm de largeur, ce qui correspond à la justification du texte courant. Nous pouvons remarquer deux choses : d’une part, que cet empagement possède les mêmes dimensions que la plupart des illustrations hors-texte du livre (sauf en largeur où l’illustration est plus grande d’un centimètre), et d’autre part que texte et images sont situés de la même façon dans la page, c’est-à-dire dans un cadre de maigre épaisseur, de 210 x 160 mm. Ce cadre est situé à 26 mm du bord intérieur de la page, à 42 mm du bord inférieur, à 36 mm du bord extérieur et à 33 mm du bord supérieur. Par ailleurs, le blanc de tête de la page est de 49 mm, le blanc de grand-fond de 51 mm, le blanc de pied de 56 mm et le blanc de couture de 41 mm. Ainsi, l’empagement est situé à 15 mm de chaque côté du cadre ; l’image hors-texte, quant à elle, est séparée de son cadre par une distance de 15 mm en haut et en bas et 10 mm à droite et à gauche. Nous pouvons supposer que l’image n’a pas besoin de se situer à une très grande distance du cadre car tous deux sont des éléments graphiques. Nous pouvons également préciser que ce livre ne comporte pas de titres courants et que les folios sont situés hors du cadre, centrés par rapport à l’empagement dans le blanc de pied.

En outre, nous pouvons signaler que les dimensions de la page étant de 284 x 222 mm, la justification du texte (de 130 mm) occupe donc 58,6 % de la largeur de la page : nous sommes donc en présence d’un empagement « de luxe », dont la justification est inférieur aux cinq huitièmes de la largeur de page. Signalons que ces larges blancs (et proportionnellement cette faible justification) sont dus à la présence du cadre.

Enfin, nous pouvons également noté la présence d’un alinéa de deux cadratins en début de chaque paragraphe, ce qui facilite la lecture en guidant rapidement l’œil là où le paragraphe commence.

Le choix des caractères

La police de caractères utilisée dans cette édition est de forme assez classique, très proche de la police « Casablanca » par exemple, de la famille des Elzévirs, c’est-à-dire à empattement triangulaire. Contrairement à la « Times », je pense que cette police aère davantage le texte, à condition d’être utilisée avec un interlignage équilibré. C’est le cas dans ce livre, puisqu’il semble que le corps utilisé soit de 13 points, avec un interlignage normal : le corps semble cependant un peu trop grand, ce qui nous conduit plus facilement à simplement « regarder » le texte et non le lire. Cette remarque peut donc nous conduire à considérer cette présentation comme adaptée à un public de jeunes enfants, ayant besoin de gros caractères pour lire plus aisément.

Les différents effets de mise en pages dans le livre

Les débuts de chapitre
Tous les débuts de chapitre sont situés en Belle page. Ils sont tous construits de la même manière, avec d’abord la mention « CHAPITRE … » suivie du numéro du chapitre en chiffres romains, puis de l’intitulé du chapitre en bas-de-casse 7. Le texte commence ensuite avec une lettrine de corps double à celui du texte courant. Il est intéressant de noter dans cet ouvrage la diversification des pages situées en vis-à-vis de ces premières pages de chapitres : tantôt il s’agit d’une illustration hors-texte classique (chapitres 1, 2, 5, 7, 9, 10 et 11), tantôt - comme nous l’avons vu - une illustration hors-texte sans cadre (chapitres 6 et 12), tantôt la fin du texte du chapitre précédent (chapitres 3, 4 et 8). Ces fréquents changements de présentation évitent la monotonie dans la succession des passages, et permet sans doute à l’enfant de rester toujours attentif.

L’habillage des images
Un exemple particulièrement intéressant dans l’habillage des images imaginé par le maquettiste de ce livre se situe aux pages 46 et 47, lors des métamorphoses d’Alice ayant mangé le champignon. En effet, l’illustration d’Alice avec le visage au niveau des pieds est habillée en haut et en bas par deux blocs de textes qui semblent être un étau dans lequel la jeune Alice est compressée. À l’inverse, l’illustration figurant dans la page suivante représente la jeune fille en train de s’allonger, et s’inscrit ainsi dans la hauteur de l’empagement : le texte qui l’habille à sa droite est alors justifié sur la gauche comme s’il contournait d’invisibles cercles, ce qui suggère que le texte suit les accroissements successifs d’Alice, étape par étape.

Les successions particulières d’images
Le livre contient plusieurs successions d’images destinées à suggérer le mouvement. La première, située page 57, représente ainsi six petits visages de bébés disposés « en escalier », et dont les traits se modifient de visage en visage pour représenter finalement une tête de cochon. Ce procédé de transformation progressive est également utilisé en page 80 afin d’illustrer l’apparition évasive du Chat.
Une autre succession particulière d’images en pages 59, 60 et 61. Comme nous l’avons vu dans le rapport des images au texte, il s’agit là des illustrations relatives à la disparition du Chat sur sa branche : la branche reste la même, et le Chat disparaît en trois étapes.

L’utilisation de la double page
Il est intéressant de noter également la mise en place des illustrations sur deux pages en vis-à-vis, les pages 110 et 111. Là, quatre petits personnages affichant chacun une expression relative à l’action que relate le texte sont situés aux quatre coins de la double page, comme si les cadres de chaque page n’existaient plus. Ce genre de composition permet de varier les mises en pages et d’agrémenter la lecture du texte.

L’absence de cadre
Comme nous l’avons vu, toutes les pages se caractérisent par la présence d’un cadre délimitant soit le texte, soit l’image - soit les deux lorsqu’il s’agit d’image in-texte - : néanmoins, il est intéressant de souligner deux exceptions à cette règle en pages 50 et 68, où figurent deux illustrations hors-texte de format inhabituel. En effet, contrairement aux illustrations hors-texte utilisées habituellement et s’insérant proportionnellement dans le cadre, ces deux images sont de format plus réduit et ne sont pas disposées comme à l’accoutumé, ce qui a entraîné le maquettiste à supprimer les cadres. Nous pouvons penser que ce choix a pour principale fonction de briser la monotonie des images encadrées ordinaires : en effet, ces deux mises en pages particulières interviennent respectivement après 40 et 57 pages avec cadre.

Le discours de la Souris
Dans cette édition, le discours de la Souris est représenté pratiquement de la même manière que dans l’édition 1000 Soleils : le corps du texte est réduit de façon constante jusqu’à la fin du discours de la Souris ; il est imprimé en « zigzag » irrégulier, de façon assez souple pour évoquer une queue de souris. Le Calligramme rapproche donc assez bien la forme du fond en rendant la lecture difficile et ennuyeuse. En outre, nous pouvons signaler qu’il est positionné sur une Belle page, indépendamment du reste du texte, et qu’il habille en partie deux illustrations situées à sa gauche.

La mise en pages générale

Enfin, en ce qui concerne la mise en page globale du texte, nous allons voir d’abord comment sont agencées les illustrations par rapport aux passages auxquels elles se réfèrent, puis quelles sont les différents statistiques que nous pouvons établir et commenter à partir de cette disposition des illustrations dans le texte.

Ainsi, la disposition des images dans cette édition est assez irrégulière. Parfois, placées en in-texte, elles illustrent directement un texte qui les habille, comme c’est le cas par exemple page 66, où les chauves-souris sont en corrélation directe avec le texte qui les précède ; souvent, elles sont situées en hors-texte et se rapportent au texte situé sur la page en vis-à-vis ; parfois au contraire, elles n’ont de rapport qu’avec un texte situé sur une autre page, à un autre endroit du livre. C’est le cas par exemple de l’illustration des cartes à jouer se transformant en feuilles, située en page 112 : cette image, sensée représenter la fin du rêve d’Alice, avec le retour au monde réel, est placée quatre pages avant l’évocation du réveil d’Alice.

Nous pouvons penser que ce décalage d’une image qui n’évoque pas de scène précise et pourrait très bien servir simplement « d’enluminure » permet d’annoncer de façon tacite la fin du récit. En outre, le positionnement d’une image loin du texte auquel elle se rattache est peut-être dû à des problèmes de mise en pages. Quoi qu’il en soit, il permet de fréquents changements de rythme dans la lecture du récit, qui ici est très influencée par les nombreuses illustrations : il en résulte une lecture vivante et parfaitement adaptée à l’enfant.

En ce qui concerne maintenant les quelques chiffres relatifs à la place des illustrations dans cette édition, signalons d’abord la présence de 84 illustrations, ce qui situe cet album comme l’une des éditions du conte les plus riches en images. Sur les 109 pages que compte le récit, 36 ne comportent que du texte, ce qui porte le nombre de pages illustrées par une ou plusieurs images à 73 : nous pouvons donc calculer qu’environ 67 % des pages sont illustrées. Nous devons néanmoins signaler que parmi les pages illustrées, 23 constituent une illustration hors-texte : ceci démontre bien l’importance de l’image dans ce livre, facteur d’originalité prédominant dans un conte aussi souvent édité qu’Alice au pays des merveilles.

 

 


1 À titre d’information, notons que cet épisode fut illustré pour la première fois par Blanche Mac Manus en 1896.

2 Il s’agit respectivement de la « course au Caucus », « course à la Comitarde » ou encore « course à l’échalotte » selon que l’on à faire à une traduction de Jacques Papy, d’Henri Parisot et de Philippe Rouard.

3 encore appelé « Bombyx » par Henri Parisot ou « Chenille » par Jacques Papy

4 « père William » : traduction de Jacques Papy et Henri Parisot

5 la berceuse dit : « Parlez durement à votre petit chenapan, et cognez au moindre éternuement (…) »

6 Cette scène fait l’objet d’une illustration indépendante dans les éditions Gallimard-1000 Soleils et « la Pléiade »

7 Les bas-de-casse sont les caractères dits « minuscules », par opposition aux capitales ; leur nom provient de leurs emplacements dans la casse du typographe, sorte de grand tiroir à plusieurs cases dans lesquelles sont rangés les caractères.